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TANTE GERTRUDE

de moribonds, mais sa tante avait haussé les épaules.

— Ta, ta, ma petite, avait-elle dit, te voilà bien délicate ! Ça te vaudra mieux que l’odeur du patchouli de tous les muscadins qui papillonnaient autour de toi tant que tu étais riche, et qui ne te regardent même plus depuis que tu es dans la dèche. Tu t’y habitueras !

Et Paulette, en effet, s’y était habituée ; elle avait même pris plaisir à ces visites quotidiennes, et c’était d’un pas allègre qu’elle partait maintenant voir ses pauvres, heureuse de la reconnaissance qu’ils lui témoignaient, de l’accueil qu’elle recevait partout.

Plusieurs fois, elle avait rencontré Jean Bernard au chevet des malades qu’elle visitait, et elle s’était sentie délicieusement émue en entendant le concert de louanges, qui, dans chaque chaumière, suivait le départ du régisseur.

Mlle Gertrude lui ayant confié aussi la tenue de ses livres de comptes, sous prétexte que sa vue baissait beaucoup depuis quelques mois, Paulette se trouvait, toutes les après-midi, en contact avec le jeune homme. Celui-ci se montrait d’une grande réserve dans ses rapports avec elle ; toujours poli et respectueux, il ne se départait jamais d’une certaine froideur qui contrastait étrangement avec la cordialité qu’il témoignait à Thérèse. Que de fois Paule avait envié secrètement le bon sourire approbateur adressé par Jean à l’orpheline, lorsqu’elle avait émis une opinion qu’il partageait sans doute !

Mlle de Neufmoulins qui, à propos de tout, critiquait sa nièce sans pitié et ne manquait jamais une occasion de relever vertement ses moindres maladresses, paraissait choisir de préférence, pour le faire, le moment où le régisseur était présent. On eût dit qu’elle prenait un malin plaisir à humilier Paulette devant cet étranger et à faire ressortir, au contraire, toutes les qualités de Thérèse, sa demoiselle de compagnie.

Plus d’une fois, à la suite d’une de ces algarades, Mme Wanel avait jeté furtivement un regard sur Jean Bernard, mais celui-ci, les yeux obstinément