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SABBAT

main ardente. Jamais on ne t’entendit murmurer contre la pauvreté de l’existence.

— Il me semble que c’est nous qui devons l’enrichir et lui donner. N’est-ce pas agir en dieu qu’ajouter son allégresse à un rayon de soleil ? Et puis, qu’importe toutes les disgrâces puisque la source du cœur n’est jamais tarie ?

— Ah ! sensible créature ! Moulin léger et palpitant sur la cime du monde… Ailes pures sur l’horizon… Et — qui sait ? — peut-être, es-tu bonne…

— Je ne suis pas bonne du tout. Je suis juste, c’est différent. Je suis fraternelle, c’est autre chose. Et si je ne me nourris pas de la chair des bêtes, c’est parce qu’elles ont, comme moi, le collier rose du sang au cou. Manger ce que l’on peut caresser, ce qui peut frémir, sous votre main, par les muscles, les nerfs, le pelage délicieux, le cœur contracté et vivant, l’aile ouverte et consentante ! Ah ! comment égorge-t-on tant de dieux ?

— Toi qui reconnais que tu es sorcière, et que ton état étant le tien…

— Étant le mien.

— …Te semble incomparablement plus beau que tous les autres …

— Oh ! oui.

— Eh bien ! nous te déclarons sainte.

— Pourquoi pas ? Il y a si longtemps que sainte Révolte fait claquer, autour de moi, le fouet de la lumière, et ne cesse pas de me dire : « En route ! En route !… », que sainte