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Page:Picard - Sabbat, 1923.djvu/127

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SABBAT

— Par volupté, aussi, la très chaste ! Te rappelles-tu quand, sous le rayon des vitraux où l’Archange s’armait d’azur et de colère, sa longue tresse légère et sombre étincelait ? La tête dans les mains, elle priait, elle priait. Elle était l’édification du couvent. Mais toi qui regardais avec exaltation cette sainte, toi qui péchais au nom de toute la vie amoureuse en adorant la chevelure ténébreuse et scintillante de paillettes d’or et du rire de l’Archange, tu fus moins coupable qu’elle.

Plus que toi, encore, elle eut le sens de Satan, cette marguerite…

Te rappelles-tu qu’Octave Feuillet réussit à la pervertir, lui donna l’aristocratie factice du dédain social ? Jouait-elle assez à la Princesse incomprise et froide, cette brûlante réprouvée ? Octave Feuillet ? Eh ! Eh ! Je prends, aussi, forme mondaine et romanesque, imbécillité fastueuse de « jeune homme pauvre ».

Ta Marguerite, au retour des vacances, portait, dans ses bras, un grand bouquet blanc — elle adorait le blanc, comme toutes les maudites — et elle allait le jeter aux pieds de la Vierge rustique qui ressemblait à une rude gardienne de brebis, là-bas, dans la chapelle du fond du jardin où tout était satanisme, du rossignol des coudriers à la violette indigente.

« Mon Dieu, disait-elle, j’ai rencontré un brillant lieutenant de vaisseau, au bal. Il avait des yeux d’Orient et il sentait le tabac des