Page:Picard - Sabbat, 1923.djvu/132

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
126
SABBAT

Qu’elle est belle, elle qui meurt à vingt-six ans, la poitrine étroite et condamnée, elle qui ne toussa pas une fois, et qui, pourtant, n’a quasiment plus de poumons dans la petite cage torride où chanta son cœur angélique !

Sœur sainte Alphonsine, n’entendez-vous rien ? — Hélas ! je n’entends que la pluie sur la feuille morte. Les chœurs des Anges, où sont-ils ? — Sur la feuille morte, ma sœur. Écoutez la douce pluie de la mort tomber dans la nuit de novembre. Écoutez le courlis crier dans vos jardins religieux. Écoutez toute la nature dont je suis l’harmonie et la damnation gémir avec amour parce qu’une enfant sans péché — mais si coupable, si coupable ! — vient, en pleurant, de fermer ses grands yeux verts sur les cierges funèbres.

Satan partout, partout… Où n’est-il pas ? Je vous défie, sœur sainte Alphonsine, de me dire où il n’est pas. Et s’il ne prenait pas souvent la place du divin crucifié, sur votre poitrine plate, vous donneriez-vous la discipline jusqu’à la pâmoison ?

Où n’est-il pas — dites-le-moi ! — Satan ? Quelle est celle de vous qui ne chasse pas, chaque fois qu’elle ouvre sa fenêtre sur les jardins sans espoir, au ciel limité et troublant comme un vitrail, l’inexprimable odeur de la vie avec l’odeur des troënes ? Pauvres nonnes ! Vous êtes chastes, mais c’est parce que vous êtes chastes que le péché vous assiège comme le bélier invisible dont les coups