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Page:Picard - Sabbat, 1923.djvu/178

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SABBAT

dre la langueur des audaces rayonnantes. Ne frémis-tu jamais, non quand les cymbales chantent, mais lorsque, dans un coin, elles sont là à attendre ou, peut-être, à désespérer ?…

— Pourquoi ?

— Parce qu’elles pensent qu’elles ne seront, sans fin, que du pauvre bruit… Et, pourtant, l’âme des orages les habite.

Je te défends de regarder mes mains qui, parfois, font s’exalter vainement les cymbales…

— J’ai peur.

— L’Ermite, aussi, a peur. « Va-t’en, dit-il, va-t’en ! » Il veut chasser ainsi, avec l’Ombre sans nom, la poussière du sol, la corne du fagot, les racines qu’il a fait bouillir pour les manger à l’aube, heure où le péché grelotte, sous la croix du chemin, la bure mouillée à l’épaule, pèlerin contredit, égaré… Il veut chasser, ainsi, ces quelques châtaignes dont l’une garde la coque verte, piquante, amère, et cette sandale qu’égratigne la ronce, et ce clou qu’il a planté dans sa main par imitation sacrilège et sainte, et ce liseron qui se plaint, à sa porte, plus innocent qu’un soupir de chérubin… — Je te défends d’écouter mon soupir — « Va-t’en, murmure l’Ermite, va-t-en ! » Sais-tu ce qu’il a entrevu, cette après-midi ? Une chèvre, une belle chèvre grise comme la poussière et comme la misère et coiffée de chèvrefeuille, entre le soleil et le roc… « Va-t’en, dit-il, va-t’en ! » Sais--