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SABBAT

gnet, mais je lui offre mon cœur, en l’élevant, pour faire rouge autour de lui. Non ! Il n’est pas ma prison, mais ma liberté claquant des ailes sur toutes les choses créées. Non ! Il n’est pas le caillou sur lequel je marcherais avec l’attentive sollicitude qu’on met à ne pas faire saigner une âme, mais le clocher vers lequel je lève ma tête que frappent soudain mille bourdons d’azur. Non ! Il n’est pas l’arbre qui me jette à la pensée de l’automne, de la mort, de la pauvre matière qui pourrit et fait, ensuite, le parfum des nuits d’été… — Assez de ce vieux leitmotiv de poète ! — Il est l’orgueil dont je soufflette toute la vie, et si je frémis, à peine, quand il touche ma main, tant mon cœur est occupé du mouvement de son sang et de son rythme précieux, dès qu’il l’abandonne, elle est à lui si terriblement que je pense aux tenailles despotiques qui ont raison des clous les plus enfoncés…

Aucun nuage : du large azur. Peu de fleurs : du métal ou des fleurs qui ressemblent aux poignards : des dahlias et des glaïeuls… Et, parfois, je reçois, à cause de cet amour, sur le visage, le coup de poing de Dieu dont on veut dérober le tonnerre.

Non ! Je ne suis pas la verveine et la musique qui dansaient près de la mer païenne, la Sapho mélodieuse et parfumée, mais, parfois, la nuit, en songe, écoute : dans le naufrage de la volupté, étendue sur le rivage, je frissonne nue et glacée sous une cargai-