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SABBAT

qui est tout un octobre ailé, le violon, cette riche robe d’or, la flûte, cette source désespérée au cœur d’enfant.

Tu n’as ému qu’un verre sensible, distraitement, mais comme les fleuves et les fleurs gémissent, comme l’harmonie est universelle et déchirante, comme me presse et me combat la tempête brutale et lumineuse des Walkyries et des automnes, comme la forêt celtique se plaint, la tête découronnée !

Tu as effleuré mes bras, à peine, mais je reçois toute la caresse des pampres parfumés par la présence du raisin. Tu as soupiré contre moi : me voilà mère, soudain, de vingt colombes. Tu as eu, dans les yeux, un peu de vapeur équivoque — ironie, splendeur, satanisme, tristesse ? — et voilà couché, à mes pieds, le bélier de mes perditions. Et, comme tu as essayé de me raconter des fables, voici autour de mon cou, le serpent bleu dont j’abattrai la tête d’un coup de fleur.

Va-t’en, va-t’en. Oui, tu m’as fait quitter ma robe. Mais tu ne verras pas ma nudité tendue comme une lyre, ni la danse du crime et des anneaux d’or.

Maintenant que j’ai surpris sur ta bouche un sourire perfide et complexe, je veux être seule et passer à ma main un certain gant velouté et noir. J’apprendrai, par ce sortilège, que l’intrigue, le silence, le poison, le fard, la volupté sont, ensemble, choses douces et si parfaites…

Maintenant que tu m’as révélé ta cruauté