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SABBAT

comprends qu’à cette heure-là, je te hais abominablement, ô mon amour !

Parfois, tu es aride comme le torrent que le soleil boit dans sa soif de l’été, mais, tout de suite, tu comprends que l’âme même des canicules fait rouler dans mon âme, à cette période, ses chariots de feu.

Parfois, tu es méchant : c’est que je ris tout bas à l’autre bout du monde… Parfois, tu es chargé de printemps comme la première jacinthe : je pleure, alors, cette larme si riche, si pure, si concentrée que, goutte de parfum, elle embaume mes yeux…

Je ne cesse pas de te piller et de t’édifier, de te poursuivre et de t’attendre, de te persécuter pour la fin radieuse et l’apothéose, et d’organiser ton salut triomphal par la damnation complète.

Et je ne te serai jamais, jamais utile dans ce monde, moi qui te suis indispensable dans le temps, et je m’enivre de songer que je ne peux te servir à rien, à rien, selon la vie de tous les jours, moi qui suis ton cœur battant et la vague de la pensée…

Si ton lit craque, tu sursautes et tu sais qu’à minuit, je suis cette Mort étoilée qui danse dans l’odeur de tes larmes.

Quand tes livres vivent autour de toi d’un cœur plein de soupirs, tu ne t’étonnes pas : tu te dis qu’ils ont ma tiède poitrine.

Lorsque je te parle bas, tu penses aux nuits