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Page:Picard - Sabbat, 1923.djvu/239

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SABBAT

et ton ami, par surcroît ? Pas avec une arme, sans doute, mais tu les as tués. N’as-tu jamais jeté bas un royaume, mis le feu chez le voisin, maudit la perfection de Satan dans les joyaux des femmes vendues, pensé au corps de tes bien-aimés qu’on a descendus dans la tombe et fait tenir toute la dépravation sous l’aile du papillon qui s’ébat sur les fleurs ?

N’as-tu jamais parlé contre toi-même, te trahissant trois fois de suite avant le chant justicier du coq ? Ne t’es-tu jamais enfoncé, quand tu croyais mon ombre assassinée par ta traîtrise et ta cruauté, dans le bien-être immonde d’un fauteuil de velours, le feu de la quiétude bourgeoise à tes pantoufles silencieuses qui ont — je le veux ! — autour du talon, de l’acanthe en laine verte ? Ne m’as-tu jamais fait la farce de me fuir, idiot ? Comme si je ne courais pas plus vite que toi, stupide ! Comme si je ne dansais pas à tous les tournants de ton chemin, mon tenté chéri ! Comme si je ne prenais pas toujours la tête de notre caravane, chameau ! Comme si je n’étais pas toi-même, ô moi-même !

Allons, brutal, assassin, démolisseur, incendiaire, impie, sacrilège, corrompu, menteur, égoïste, mon amour, mon amour, jette tes crimes sur le plancher avec ta bouffonnerie inquiète.

Et puis, va-t’en !

Les entends-tu ? Appelle-les. Ouvre la porte. Elles sont si plaintives, ce soir, car