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RÉDEMPTION

Il fut un temps où j’ai rêvé de l’ardent apostolat et de la rédemption douloureuse, mais j’ai su bientôt que nous évangélisons en vain et que le salut de ceux que nous aimons dépend de nos divinités les plus inconscientes. Ce qui reste et agit, entre deux êtres, c’est la fugitive transfiguration du sourire. Ne portons de croix pour personne puisqu’on ne nous tient compte que de la lumière de nos yeux.

J’implore donc ma poésie, et je lui demande de jeter, sur vos pas, une de ses roses involontaires. Mon frère, ce n’est pas avec ma tendresse que je vous désaltérerai. Dans la coupe, il n’y a que le geste dont on la tend qui a sa signification et sa valeur. Il n’y a de salutaire, entre les êtres, mon frère, que la musique et le chant de rossignol qui s’échappe, parfois, des âmes. Il n’y a que la grâce et son divin mérite ignoré de soi.

Tout est inutile de ce qui tend à servir, et, nous tous, nous avons plus besoin de papillons que d’esclaves.