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Page:Picard - Sabbat, 1923.djvu/266

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SABBAT

Alors, j’ai découvert qu’elle m’a moins, bien moins chérie que son autre enfant qui est douce, faible et gracieuse. « Toi, m’a-t-elle dit, une fois que je n’avais plus de foyer, d’argent, de lendemain, et qu’à ses côtés, je souriais à ma misère, toi, je ne te plains pas… » Et elle a été bercer, avec le fanatisme maternel, ma sœur qui avait mal aux dents.

« Bien… » ai-je pensé, et, soudain, j’ai senti, autour de moi, la barrière de roses, et, sur mon front, le régiment de glaives, et, sans puérilité, j’ai vu, à ma gauche, la fourche du Diable et, à ma droite, la lyre des Séraphins.

L’un m’a crié : « Tu es une fournaise… » Les autres m’ont murmuré : « Tu es un tabernacle… », et la solitude a soufflé sur moi par la bouche de tous les maudits et par la poitrine de tous les bienheureux. J’ai compris… J’ai compris… Et, depuis, je m’en tenais à ma condition particulière me disant que nul bienheureux ou nul maudit de mon espèce ne viendrait m’apporter son ciel ou son enfer. Et, pourtant, tu es là. Tu as franchi le buisson odorant et épineux, tu as marché sous la menace étincelante des armes au soleil. C’est bien. Je fais dévorer ta pourpre par la mienne comme la louve dévore la louve. Je nourris l’ange insatiable de mes parfums de l’inépuisable cinname de ta pensée et de ton cœur, mais je ne te remercie pas, et quand j’accepte, car je suis équitable, que tu ajoutes