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Page:Picard - Sabbat, 1923.djvu/269

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SABBAT

cueilli un cœur. Je n’aime que les cœurs dont je m’empare. Je n’ai donc pas besoin de te dire qu’il m’importe peu d’être aimée. Au fond, je n’ai que le désir de vaincre. La soumission des femelles en troupeau m’a toujours assez attristée pour me laisser au rire, à la liberté — c’est-à-dire à la solitude — au jeu de la flèche prompte et meurtrière, au « Je suis moi ! » plus retentissant et plus salutaire que le tonnerre au cœur des beaux climats.

Tout enfant, à l’âge significatif et profond, je fuyais la tendresse qui venait à moi : « Je veux pas qu’on m’aime ! » criais-je, sentant, déjà, sans doute, qu’on disposait de moi du moment qu’on me choisissait, et je lançais de véhéments coups de pied aux ombres affectueuses et usurpatrices, comme j’en lançais au vent lorsque, soufflant trop fort, il violait mes jupes et s’emparait de mes cheveux.

Je voulais, déjà, élire, et, des visages humains, je détournais mon visage qui naissait sataniquement d’une rose.

Je n’ai pas changé.

Aussi, viens, ne viens pas. C’est la même chose. Si je te veux, je t’appelle par un sifflement plus doux que celui du serpent des sept jours quand il dansait sur sa puissance et voyait l’ombre de sa tête bleue divinisée dans le soleil.

La royauté du désir, en vérité, je l’ai, et je ne me permettrais pas, car je suis grande-