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SABBAT

Épouvante ! Épouvante ! Je sais que ma mère qui est si douce a peur de mourir, et, parfois, ses yeux bleus pleins de ces larmes enfantines qui contiennent tous les reproches me supplient de l’en empêcher.

Mon Dieu !

Tel champ de bruyère, sous le vent, m’est aussi triste à contempler que la destinée de l’homme.

Mon Dieu, que les poètes ont mal quand leur démence enchantée les quitte ! Que de ténèbres quand je ne porte plus mon flambeau, que de silence quand je ne chante plus mon hymne ! Comme l’araignée me regarde, du fond de sa toile, et que les linceuls sont froids ! Comme le termite m’appelle, du fond de son trou, et que les tombeaux sont seuls ! Comme l’étoile m’implore, du fond de son abîme, et comme les cieux sont vides quand le poète ne les peuple pas !

Ah ! miraculeuse aurore où je suis si vivante, si vivante, si vivante que, dans le cercueil où l’on m’a étendue, un instant, par simulacre, je ne laisse que mon voile — pudeur de la mort — et l’ironique et léger soupir du cœur éternel qui va battre ailleurs !

Ah ! soirs inouïs où Satan, le Dieu magnifique des mondes de cristal et de science, ne me donne, pourtant, que le charmant rayon de ses yeux, dans l’émeraude ou la topaze de la fable ! « Par le symbole gracieux et puéril, communique, me dit-il, avec l’Invisible, danse avec le mystère, comme l’enfant rieuse