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Page:Picard - Sabbat, 1923.djvu/29

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LA SORCIÈRE AU COUVENT

La converse nous laissait en présence, ma grand’mère, moi et Jésus. Celui-ci, frais comme une rose aux yeux de myosotis, souriait dans la moisson blonde de sa barbe. Nous nous jetâmes, lui et moi, un regard et nous nous comprîmes. La converse qui, fatalement, manquait d’élégance, n’avait qu’un pittoresque prévu, et ses clefs d’abbaye, formidables et puériles, son groin candide et agressif, sa robe grise qui rappelait l’odeur de l’humble souris des couloirs, n’étonnèrent pas davantage la sorcière de dix ans qui, la veille, encore, poursuivait, dans son Ariège, de rocher en rocher, la sirène au cœur de neige, fille intrépide et fuyante des Pyrénées.

Madame sainte Angélique qui venait d’entrer posa sa main de parchemin dégoûté sur mon épaule et dit, de sa voix aigre, en me faisant connaître son visage rapace et pompeux : « Cette enfant est à nous. Nous en ferons une petite sainte. »