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SABBAT

ter les prières moroses, les humiliations aux jupes de mérinos de ces parentes pauvres des chapelles orgueilleuses : les dévotes aux yeux baissés, mais je m’éprenais de quelque Gabriel d’un bleu satanique, dans la rosace d’une abside.

Peu à peu, le goût d’une sorte de dissipation spéciale s’empara de moi : je mettais en « imagerie » toute l’église — ce qui m’y épouvantait et ce qui m’y enchantait — et j’éprouvais une joie de petit Satan joueur, fautif et vengé.

Et puis, la victorieuse couleur rouge des vitraux m’a toujours prédisposée aux jeux de l’inspiration, de la tuerie et du désir.

J’étais poète. On ne doit pas enfermer les poètes. C’est dangereux pour eux et pour ce qui les entoure en les bornant. Ils fichent le camp comme ils peuvent, ces forcenés, et, comme je suis équitable, je dis que les nonnes étaient les nonnes, mais que la sorcière était la sorcière.

Bientôt, je m’étonnai extraordinairement : ici, les draps funéraires, les buis glacés, les goupillons sinistres, les officiants obtus, suppliants et vengeurs qui organisent autour des morts — ces vivants entre les vivants ! — le Carnaval de l’Épouvante.

Là, les saints cupides qui ne cessent pas d’être aux prises avec l’avarice des veuves et le petit sou des orphelines. Ils finissent toujours par rafler l’un et par faire, dans l’autre, fumer un peu d’enfer. Il est vrai qu’ils