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Page:Picard - Sabbat, 1923.djvu/39

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SABBAT

qui meurent de repentir sur des fagots d’épines, les cœurs pleins d’une passion provocatrice et sinistre, les bons Pasteurs très fatigués, les jeunes Louis de Gonzague, anémiques, verts, atrabilaires et louches, la pensée élégamment funèbre au pied de la croix obliquement frivole, le confesseur déchaîné coiffé d’une tourterelle bien sage, le décent Ermite livré à la peau de bouc et à la litière de foin doré, je sentais que toutes ces splendeurs qui régnaient sur le vélin et la gélatine, avec trop de candeur pour être pures, étaient inspirées, peut-être — qui sait ? — par le Diable, mais sûrement pas par le Dieu dont j’avais la vague, amoureuse et formidable conception.

Ainsi, dans les églises, quand je n’y étouffais pas d’angoisse, tout me ravissait en m’éloignant du Dieu qu’elles révèlent, tout jusqu’à ces brutes bibliques qui, dans les verrières, me faisaient étinceler de lyrisme : Abraham armé du glaive, Jacob tenté par l’échelle d’or, Moïse qui ruisselait de l’âcre sueur des prédestinés de Jéhovah et l’hystérique mangeur de sauterelles qui, lançant les bêtes affamées et plates dans la terreur des mondes agonisants, condamne la Création en ouvrant, sur elle, des yeux furieux et terribles dont l’un est une lune rouge et, l’autre, un soleil devenu fou.

Mais Dieu ? Mais Dieu ? Mais Dieu ?

Ces déformations délirantes provoquaient, excusaient les miennes. La belle Proserpine, la licorne folle, la sorcière ressuscitée, la mi-