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SABBAT

votre intention jusque sur le soleil funèbre d’un couteau ou les pistils dansants de la digitale, je vous avoue, moi…

La charité a pour excès, dans les âmes comme la mienne, le despotisme. Qu’importe donc mon dévouement à ceux qui crient que je suis de la race des saints fanatiques dont la bure flambe à la place du cœur, qu’aimer, pour moi, c’est prendre et régner, c’est charger, sur mon dos, ma proie chérie, en faire, dans ma solitude, ma substance secrète, en nourrir ce cœur farouche qui doit battre toujours et auquel suffit l’amour qu’il éprouve, comme, à Dieu, suffisent les mondes qu’il crée ?

Mes mérites… oui… Ils sont tangibles, mais chétifs, puisque humains. Que sont-ils au regard de mes possibilités inspirées de mes pays invisibles et de mes remous infinis ?

Que je suis coupable puisque je suis, à la fois, ce réceptacle et ce moteur universels ! Penser, sentir, imaginer, rêver, savoir, quelle culpabilité ! Et comme je suis responsable de tout ce que je conçois ! Ce qui fait un être, ce sont les divinités qui le possèdent. Tout est équitable et, sans douleur et sans colère, j’accepte la suspicion de tous puisque, dès que j’ai bégayé, j’ai senti mon cœur d’enfant-poète envahi par cette Connaissance qui fait de vous — pardonnez-moi ! — le grand Coupable, mon Dieu !