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Page:Picard - Sabbat, 1923.djvu/80

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SABBAT

a reçu toute la charge d’un fusil dans le ventre et qui attend son néant dans la poussière…

— Qu’est-ce que le néant ? Qu’est-ce que la poussière ? Moi, je ne connais que l’éternité et les roses.

— Je suis plein d’usure et de ravage. Sur ma beauté mortelle, se flétrit, aux tempes, un myrte, et je sens que ma lyre désaccordée…

— Comme ce grillon est gentil ! Il fait le tour de la forêt avec sa chanson… La forêt semble avoir un collier de sonores petites perles brunes…

— Mais, sorcière, l’énigme de l’univers ? La cruauté de l’amour ? Le mystère de la divinité ? Le ricanement hideux de la mort ?…

— Hein ?

— Quoi ! Sans trembler, tu regardes le monde ? Quel aspect a-t-il pour toi ?

— Ça dépend… Un jour, celui d’un bouquet de violettes d’un sou… Un jour, celui d’un fleuve immense : et je descends les siècles écoulés sur une pirogue de soleil… Un soir, celui d’un bois où le silence caresse, de sa main de brume, l’argent des oliviers… Un soir, celui de la pluie qui, de sa fraîcheur enchantée, pénètre la tristesse des vieux saules… Parfois, celui de la puissance heureuse et de la force aux bras levés, quand j’entends l’orage des Archanges battre les forêts et les tours…

Mais, en somme, rien ne me paraît simple comme l’univers puisque je m’enivre de toutes ses manifestations, puisque sa lumière,