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SABBAT

J’ai les détours de l’oiseau qui fait son nid, la ruse violente et souple de la bête qui guette la bête, la méditation de l’eau dans les vasques des fontaines, la divination de l’arbre qui donne, en pressentant l’orage, tous les signes du désespoir humain…

Et je suis méchante, méchante, dans le jeu et la folie ! Sur mes flancs, pointent les épines du houx et du mahonia car je suis, aussi, redoutable à moi-même.

J’ai autant d’antennes que d’instincts, autant de griffes que de colères, autant de caresses que de racines, autant d’amour qu’il en faut pour enfanter l’Amour !

Ah ! l’on peut m’enfermer dans le cercueil, va… Un quart d’heure après, venez voir : je n’y serai plus… »

Eh bien ! ma mère qui n’a jamais péché contre le rêve, qui pense gravement que le lis est le sortilège des Anges et le papillon le miracle du Diable, ma mère qui sait que, dans toutes les jungles, il faut des colombes et des loups, et, dans toutes les mers, des perles et des naufrages, ma mère qui est agréable aux purs génies de tous les mondes, n’a pas raillé ces paroles insensées.

Elle les regardait partir là-bas, là-bas, légères et bondissantes, et nous eûmes, toutes les deux, cette vision : l’Épouvante des tombeaux chancelait un peu, frappée au cœur par la Révolte qui, cette fois, prenait la figure confiante et rieuse d’une Espérance-enfant.