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Page:Plaute, Térence, Sénèque - Théâtre complet, Nisard.djvu/47

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AMPHITRYON.

Merc. Tu murmures entre tes dents ?

Sos. Je ne dirai plus rien.

Merc. Qui est ton maître ?

Sos. Qui tu voudras.

Merc. Eh bien ! ton nom, à présent ?

Sos. Je n’en ai point, à moins que tu ne m’en donnes un.

Merc. Tu disais que tu étais Sosie, esclave d’Amphitryon ?

Sos. Je me trompais ; j’ai voulu dire que j’étais le Sosie… l’associé d’Amphitryon[1].

Merc. Je savais bien aussi qu’il n’y avait pas d’autre Sosie que moi à la maison. Ton bon sens était bien loin.

Sos. Si tes poings pouvaient s’en être allés avec lui !

Merc. C’est moi qui suis ce Sosie que tu prétendais être.

Sos. Je t’en prie, permets-moi de te parler tranquillement, et convenons que je ne serai pas battu.

Merc. Eh bien ! je t’accorde une trêve, si tu as quelque chose à me dire.

Sos. Je ne dis mot, si la paix n’est conclue ; je rends hommage à la force de tes poings.

Merc. Dis tout ce que tu voudras ; je ne te ferai pas de mal.

Sos. Puis-je m’en fier à toi ?

Merc. Je t’en donne ma parole.

Sos. Et si tu me trompes ?

Merc. Que la colère de Mercure retombe sur Sosie !

Sos. Écoute-moi donc bien, puisque je puis te parler librement tout à mon aise. Je suis Sosie esclave d’Amphitryon.

Merc, menaçant Sosie. Tu y reviens encore !

Sos. La paix est faite, le traité, conclu ; je dis la pure vérité.

Merc. Tu seras battu.

Sos. Fais ce que tu voudras, comme tu voudras, puisque tu es le plus fort. Quoi que tu fasses, je la dirai toujours.

Merc. Et toi, tant que tu vivras, tu ne m’empêcheras jamais d’être Sosie.

Sos. Mais enfin, tu n’empêcheras pas que je ne sois de notre maison. Il n’y a pas d’autre Sosie que moi, qui étais parti d’ici pour l’armée, avec mon maître Amphitryon.

Merc. Cet homme-là n’a pas sa raison.

Sos. C’est bien toi, qui perds la tienne. Que diantre ! je ne suis plus Sosie, esclave d’Amphitryon ? Quoi ! n’est-il pas arrivé cette nuit du port Persique un de nos vaisseaux qui m’a conduit ici ? Mon maître ne m’y a-t-il pas envoyé ? Ne suis-je pas devant la porte de notre maison ? ne tiens-je pas cette lanterne dans ma main ? ne parlé-je pas ? ne suis-je pas bien éveillé ? n’ai-je pas trouvé ici cet homme qui m’a accablé de coups de poing ! Cela n’est que trop vrai ; car, hélas ! mes mâchoires s’en ressentent encore. Pourquoi donc est-ce que j’hésite ? Pourquoi n’entré-je pas chez nous ?

Merc. Comment ? chez nous ?

Sos. Oui, chez nous.

Merc. Tout ce que tu viens de conter, ce sont autant de mensonges. C’est moi qui suis Sosie, qui appartiens à Amphitryon ; cette nuit, le même vaisseau par lequel je suis venu est parti du port Persique ; nous avons pris d’assaut la ville où régnait Ptérélas. Nous avons réduit par notre courage les légions téléboënnes, et dans le combat Amphitryon a de sa propre main coupé la tête au roi Ptérélas.

Sos. Je ne m’en crois plus moi-même, quand je l’entends jaser de la sorte. Il vous conte toute l’histoire de notre campagne, comme s’il l’avait apprise par cœur. Mais voyons un peu ; qu’est-ce que l’on a donné à Amphitryon du butin fait sur les Téléboëns ?

Merc. Une coupe d’or dont Ptérélas avait coutume de se servir.

  1. Jeu de mots sur sociam et socium.