Aller au contenu

Page:Plaute, Térence, Sénèque - Théâtre complet, Nisard.djvu/63

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
25
AMPHITRYON.

Merc. Il faut que tu aies bu, bonhomme !

Amph. Comment ?

Merc. Tu me prends pour ton esclave.

Amph. Et pour qui veux-tu que je te prenne ?

Merc. Que le ciel te confonde ! je n’ai point d’autre maître qu’Amphitryon.

Amph. Suis-je changé ? N’ai-je plus la même figure ? Comment ? Sosie ne me reconnaît-il pas ? Voyons encore. Interrogeons-le. Qui suis-je à tes yeux ? Ne vois-tu pas bien que je suis Amphitryon ?

Merc. Toi Amphitryon ? Es-tu dans ton bon sens ? Je t’ai déjà dit, bonhomme, que tu as trop bu ; il y paraît, quand tu viens faire des questions semblables ? Allons, va-t’en, je te le conseille ; ne nous importune plus, tandis qu’Amphitryon, revenu de l’armée, se repose dans les bras de son épouse.

Amph. De quelle épouse ?

Merc. D’Alcmène.

Amph. De quel homme me parles-tu ?

Merc. Combien de fois faut-il te le dire ? Mon maître Amphitryon. Laisse-nous donc en repos.

Amph. Avec qui est-il couché ?

Merc. Tu te plais à m’impatienter ; mais c’est ton malheur que tu cherches.

Amph. Réponds-moi, je t’en prie, mon bon Sosie.

Merc. Ah ! tu me flattes à présent ?… Eh bien ! il est couché avec Alcmène.

Amph. Quoi ! dans la même chambre ?

Merc. Oh ! un peu plus près que cela, à ce que je pense ; aussi près qu’un mari peut l’être de sa femme.

Amph. Malheureux que je suis !

Merc, à part. Il se plaint, et c’est tout gain pour lui ! Trouver quelqu’un pour travailler votre femme à votre place, c’est trouver un bon ami pour labourer votre champ, et le rendre fertile.

Amph. Sosie ?

Merc. Eh bien ! quoi ? Sosie ? Que lui veux-tu, pendard ?

Amph. Ne me connais-tu pas, fripon ?

Merc. Je te connais pour un homme fort importun, qui veut absolument avoir querelle.

Amph. Encore un mot. Ne suis-je pas ton maître Amphitryon ?

Merc. Tu es plutôt Bacchus lui-même, tant tu es pris de vin ! Combien de fois faut-il que je te le dise ? Veux-tu que je te le répète encore ? Mon maître Amphitryon est couché dans le même lit avec sa chère Alcmène. Si tu continues, je le ferai venir, et tu t’en repentiras.

Amph. Fais-le venir : c’est ce que je souhaite Voilà donc la récompense de mes services ! je perdrais aujourd’hui ma patrie, ma maison, ma femme, ma famille et moi-même !

Merc. Je l’appellerai, si tu veux. Mais, cependant, éloigne-toi de notre porte. Je crois qu’il a achevé le doux sacrifice qu’il désirait, et qu’il sera bientôt au festin qui doit le suivre ; pour toi, si tu continues à nous importuner, tu ne t’en iras pas sans me servir de victime.

SCÈNE III.
AMPHITRYON, BLÉPHRON, SOSIE.

Amph., sans être vu et sans voir Blépharon et Sosie. dieux ! quel vertige s’est emparé de toute ma maison ! Que trouvé-je à mon retour ? On peut croire, après cela, ce qu’on nous raconte de ces Athéniens métamorphosés en bêtes dans l’Arcadie, et méconnus ensuite de leurs propres parents.

Bléph., entrant avec Sosie. Que dis tu là, Sosie ? Des choses fort étonnantes, en vérité. Tu prétends que tu as trouvé au logis un autre Sosie semblable à toi ?

Sos. Je le prétends, parce que cela est vrai. Mais puisqu’il est sorti de moi un autre Sosie, et de mon maître, un autre Amphitryon, vous avez peut-être aussi engendré un second Blépharon ! Vous ne le croyez pas ? Vous le croirez si vous êtes assommé de coups de poing ; si vous avez les dents