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Page:Plaute, Térence, Sénèque - Théâtre complet, Nisard.djvu/67

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AMPHITRYON.

Jup. C’est moi qui suis le seul de ce nom. Tiens, Blépharon, sois notre juge.

Bléph. Je vais tâcher de tirer la chose au clair en vous questionnant. Vous, répondez d’abord.

Amph. Volontiers.

Bléph. Avant d’en venir aux mains avec les Taphiens, que m’avez-vous ordonné ?

Amph. D’apprêter le vaisseau, de te tenir constamment au gouvernail.

Jup. Afin que si nos gens fuyaient, j’y trouvasse une retraite assurée.

Bléph. Que m’avez-vous dit encore ?

Amph. Je t’ai recommandé de garder ma bourse, qui était bien garnie.

Jup. De quelle espèce de monnaie ?

Bléph. Taisez-vous. C’est à nous d’interroger. Savez-vous combien elle contenait ?

Jup. Cinquante talents attiques[1].

Bléph. Il dit parfaitement juste. Et vous, combien de Philippes ?

Amph. Deux mille.

Jup. Et deux fois autant d’oboles[2].

Bléph. Ils sont l’un et l’autre très-bien au fait. Il faut que l’un des deux ait été caché dans la bourse.

Jup. Écoute ; ce bras, tu le sais, a immolé le roi Ptérélas ; je l’ai dépouillé, et j’ai apporté dans un petit coffre la coupe dans laquelle il buvait ordinairement ; j’en ai fait présent à mon épouse, avec laquelle je viens de prendre le bain, de faire un sacrifice, et de coucher.

Amph. Ciel ! qu’entends-je ? Je suis hors de moi, je dors tout éveillé ; je meurs tout vivant. C’est bien moi, cependant, qui suis Amphitryon, petit-fils de Gorgophone, fille de Persée et d’Andromède, général des Thébains, et seul chargé de venger Créon des Téléboëns. C’est moi qui ai vaincu les Acarnaniens, les Taphiens, et leur vaillant roi, et qui leur ai donné pour maître Céphale, fils de Dionée.

Jup. Oui, c’est Amphitryon, c’est moi dont le courage et les armes ont anéanti ces brigands. Ils avaient tué Électryon, fils de Persée et père d’Alcmène, et les frères de ma femme. Répandus dans l’Achaïe, l’Étolie, la Phocide, sur la mer Égée, la mer Ionienne, et celle de Crète, ces pirates portaient partout le ravage.

Amph. Dieux immortels ! je doute de moi-même, tant il raconte avec exactitude ce qui s’est passé ! Voyons, Blépharon.

Bléph. Je ne vois plus qu’un signe qui puisse me faire connaître la vérité. Si vous l’avez tous deux, vous serez tous deux Amphitryon.

Jup. Je sais ce que tu veux dire ; la cicatrice que j’ai au muscle du bras droit, et qui vient de la blessure que Ptérélas m’a faite.

Bléph. Justement.

Amph. C’est très-bien.

Jup. La voici ; regarde.

Bléph. Découvrez-vous tous deux. Je verrai.

Jup. Sous voilà découverts. Voyez.

Bléph. Grand Jupiter ! Que vois-je ? Tous deux ont au muscle du bras droit, à la même place, une marque semblable. La cicatrice est rouge et un peu noire par endroits. Il n’y a pas moyen de savoir la vérité ; l’esprit s’y perd ; je ne sais que dire.

SCÈNE[3] V.
BLÉPHARON, AMPHITRYON, JUPITER.

Bléph. Arrangez-vous. Je m’en vais ; j’ai affaire. Non, jamais je n’ai vu nulle part des choses aussi surprenantes.

  1. Chaque talent attique valait francs.
  2. Quinze centimes.
  3. C’est tel que reprend le texte de Plaute, selon les commentateurs.