Page:Rabelais - Gargantua et Pantagruel, Tome II (Texte transcrit et annoté par Clouzot).djvu/89

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« En cette disputation, je n’entrerai plus avant. Seulement vous dirai que petite n’est la louange des prudes femmes, lesquelles ont vécu pudiquement et sans blâme et ont eu la vertu de ranger cetui effréné animal à l’obéissance de la raison, et ferai fin si vous ajoute que, cetui animal assouvi (si assouvi peut être) par l’aliment que nature lui a préparé en l’homme, sont tous ses particuliers mouvements à but, sont tous ses appétits assoupis, sont toutes ses furies apaisées. Pourtant[1], ne vous ébahissez si sommes en danger perpétuel d’être cocus, nous qui n’avons pas toujours bien de quoi payer et satisfaire au contentement.

— Vertu d’autre que d’un petit poisson, dit Panurge, n’y savez-vous remède aucun en votre art ?

— Oui-dà, mon ami, répondit Rondibilis, et très bon, duquel j’use, et est écrit en auteur célèbre, passé a dix-huit cents ans. Entendez.

— Vous êtes, dit Panurge, par la vertu Dieu, homme de bien et vous aime tout mon benoît saoul. Mangez un peu de ce pâté de coings : ils ferment proprement l’orifice du ventricule, à cause de quelque stypticité[2] joyeuse qui est en eux, et aident à la concoction[3] première. Mais quoi ? je parle latin devant les clercs. Attendez que je vous donne à boire dedans cetui hanap nestorien. Voulez-vous encore un trait[4] d’hippocras blanc ? N’ayez peur de l’esquinance[5], non. Il n’y a dedans ni squinanthi[6] ni gingembre, ni graine de paradis. Il n’y a que la belle cinnamome[7] triée et le beau sucre fin, avec le bon vin blanc du cru de la Devinière, en la plante[8] du grand cormier, au-dessus du noyer grollier[9]. »

COMMENT RONDIBILIS, MÉDECIN, DONNE REMÈDE À COCUAGE.

« On[10] temps, dit Rondibilis, que Jupiter fit l’état de sa maison olympique et le calendrier de tous ses dieux et déesses, ayant établi à un chacun jour et saison de sa fête, assigné lieu pour les oracles et voyages, ordonné de leurs sacrifices…

— Fit-il point, demanda Panurge, comme Tinteville, évêque d’Auxerre ? Le noble pontife aimait le bon vin, comme fait tout homme de bien. Pourtant[11] avait-il en soin et cure

  1. C’est pourquoi.
  2. Astringence.
  3. Digestion.
  4. Coup.
  5. Esquinancie.
  6. (Sorte de jonc odorant).
  7. Cannelle.
  8. Le plant.
  9. À corneilles.
  10. Au.
  11. Aussi.