Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/170

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— Hein ? soupira Tulotte fort mal à l’aise, mêlez-vous de ce qui vous regarde, Estelle, je vais me coucher, moi, et mettons que vous n’avez rien entendu, ma fille… On les paye, ces créatures de malheur, on les saoule et encore il faut qu’elles vous rabrouent les maîtres. Estelle, aussi vrai que je ne suis pas grise, je t’enverrai dehors… là… Mon Dieu, comme ça tourne !

La cousine Tulotte, qui ne portait plus de crinolines parce que la mode en était passée, avait la manie de s’affubler toujours comme un gendarme, elle avait sa toilette de soirée, une robe de satin grenat, taillée dans le reste des tentures qu’elle avait teintes pour l’alcôve de son frère ; un peu décolletée, elle ornait son cou osseux d’un énorme médaillon. Elle s’effondra sur son lit non loin de celui de sa nièce.

— Les temps sont durs, continua-t-elle, prenant Mary pour Estelle, sa confidente ordinaire, les temps sont durs. Il doit lui fourrer des masses d’argent, car il se plaint de mes dépenses… moi qui économise sur le manger pour avoir du meilleur vin. Si c’est possible de m’accuser de gaspillage ! Je n’achèterais pas une robe neuve sans y réfléchir… La réflexion est le propre de l’homme, ajouta-t-elle d’un ton tellement convaincu que Mary abasourdie crut qu’elle allait lui faire la leçon en pleine nuit.

— Tulotte, murmura la petite, inquiète, tu es malade ?

— Allons, bon ! voilà Mademoiselle la rapporteuse