Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/172

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heur de mes parents. D’abord, je n’ai pas pu m’accorder avec mon aîné, Antoine-Célestin, un dur, celui-là, je t’ai raconté cette histoire, hein ! Un ambitieux… un vieil égoïste qui n’a pas de cœur, il m’a remise à ma place ; puis je suis venue trouver Daniel pour lui tenir son ménage, il s’est fichu dans la cervelle les femmes, à quarante ans, depuis… ça le mord, quoi !… Estelle, va me chercher un peu de rhum… Moi, je sens que rien ne va plus… ici !… Ses officiers ont des façons de le regarder… Oui, c’est le dévouement qui me guide lorsque je fais des sottises… Un enfant, je supportais la chose, mais deux… Où est-il ce rhum ?

Mary se glissa hors de la chambre, elle avait un dégoût de son institutrice qui lui semblait inexplicable, car elle était malade après tout, et elle aurait dû la soigner. Elle appela Estelle ; presque au même instant la nourrice arriva sur elle comme une masse.

— Faites attention, dit Mary vivement, vous allez tomber !

Elle était suivie d’Estelle dont les yeux brillaient dans l’obscurité de l’escalier.

— Voilà Mademoiselle Grognon, fit la cuisinière furieuse ; attendez, je vais vous la nettoyer, moi, il ne faut pas qu’elle nous dénonce au rapport, demain !… pourquoi n’es-tu pas couchée ?

— Ma tante est malade, balbutia Mary se reculant devant les deux filles qui sentaient l’eau-de-vie.

— Malade ! Elle a son compte, tu veux dire !… Tant pis pour elle, moi je casserais tout, ce soir, et