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Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/176

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campagne avaient des lointains si noirs que cela faisait peur. Une morne tristesse envahissait la petite fille, les hou hou du vent lui rappelaient la fin mystérieuse de Siroco, et elle pensait que le catéchisme est une chose bien inutile.

Un besoin de sommeil lui lancinait tout le corps, elle se raidissait contre son mur, accrochée au rideau qu’elle avait écarté pour regarder : les maisons de Vienne, accroupies au delà des jardins, semblaient tressauter par moments, puis le tombeau de Ponce-Pilate, là-bas, dans un fond de route noir, se dressait tout menaçant et tout luisant de givre.

Elle savait l’histoire de ce personnage qui se lavait les mains pour laisser condamner son Dieu. La veille encore, elle la récitait dans l’église de Sainte-Colombe et madame Corcette lui expliquait que Vienne étant une vieille ville pleine d’antiquités, ce bonhomme avait voulu se faire enterrer là pour le plaisir des archéologues futurs. Elle ouvrit les yeux très grands ne se souvenant plus de sa position croyant rêver à cette corne de pierre portée sur quatre pattes et la voyant brusquement s’avancer dans les sanglots du vent.

Au ciel des nuages couraient les uns après les autres, bousculés par les rafales et semblant se déchirer sur les étoiles comme une mousseline sur des pointes d’acier. Le chalet entier craquait. Le long de ses boiseries à jour, des doigts paraissaient s’accrocher qui le secouaient affreusement.

Tout d’un coup les cris du petit Célestin cessè-