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Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/194

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était abasourdi. Les simples soldats racontaient dans les chambrées que les maisons mal famées possédaient des interprètes et qu’alors… c’était à se tordre ! Pagosson, de Courtoisier, Jacquiat, Steinel, Zaruski, les célibataires enfin, avaient trouvé au café des officiers des notes laissées par le régiment précédent. On leur signalait une telle comme sachant parler un peu le français, telle autre comme « très bien » mais n’ayant jamais su qu’un mot de la langue en question, mot que d’ailleurs elle disait facilement au premier venu.

D’abord, le 8e hussards s’amusa de l’accent du pékin, horrible accent tourné en ridicule sur tous les théâtres, où l’on met en scène un enfant d’Israël, puis on se lassa et il y eut des rixes pour un b ou un p mal placés. Au 8e, on était peu patient : quand un cavalier entendait son cheval traité de bovre pête, il finissait par descendre, histoire de se gourmer réciproquement. La ville, du reste, n’aimait pas les soldats, elle le leur faisait quelquefois sentir. Un quartier entier était consacré aux juifs, une synagogue tenait le milieu ; dans ce quartier, un règlement défendait aux hussards l’accès de certaines rues parce qu’ils auraient pu écraser des enfants sous les pieds de leurs montures. Là-dedans grouillaient des familles sordides, parquées au fond de petites boutiques dont la porte en plein-cintre ne s’ouvrait que sur un signe particulier. On avait deux ou trois marches à dégringoler pour pénétrer au sein des mœurs les plus bizarres. Une lampe à