Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/199

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avant. Si Marescut n’avait pas permuté et si de Mérod n’avait pas été nommé colonel d’un autre régiment, ils se seraient joints à l’hostilité de tous, cédant aussi à ce mouvement par esprit de corps.

— De quoi, Monsieur ? demanda le colonel Barbe, rouge d’indignation terrible, de quoi, s’il vous plaît ?

— Je disais, répéta le docteur, à cent lieues de songer qu’il pouvait avoir lâché une énorme bêtise, je disais que vous autres Français, vous aviez les nerfs sensibles…

Le colonel regarda circulairement ses officiers.

— Vous êtes témoins, Messieurs, que ce ventru (le jeune docteur était en effet un peu ventru) a répété la chose.

— Oui, mon colonel, s’écrièrent en chœur les hussards, formant le cercle.

Alors, il faut avouer que Mary, qui connaissait les fureurs de son père, eut un méchant sourire ; elle roula sa corde à sauter autour de sa taille et attendit l’exécution, clignant ses paupières soyeuses avec impertinence.

— Ventru ! murmurait le médecin, pesant le mot dans son esprit naïf… Mais pourquoi diable ce colonel maigre m’appelle-t-il ventru ?

— Monsieur, voici ma carte ! déclara le colonel Barbe, tirant majestueusement une carte de son dolman brodé.

— Mais je sais votre adresse ! soupira le pauvre alsacien navré des allures cassantes de ces hussards qu’il connaissait à peine.