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Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/209

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— Oui, papa, répondit la fillette, ne voulant pas perdre le bénéfice de sa toilette en avouant que l’alsacien lui portait sur les nerfs.

— Tant mieux ! sapristi ! Mais c’est une véritable gageure !

Il se mit à examiner les murs pour tâcher de se distraire, lorsqu’en face de lui la porte s’ouvrit à deux battants, des cris d’admiration s’élevèrent, et l’arbre de Noël parut flambant de ses mille bougies. Le coup d’œil était vraiment féerique. Le gros négociant vint prendre la main de Mary, la conduisit à la branche où pendait son jouet tout orné de rubans et de noix argentées, on exécuta une ronde folle avec des pétards à fusées de toutes les nuances, et l’on recommença à dévaliser les corbeilles roulantes.

Mary s’amusait maintenant comme les autres, empêchant les plus petits de se battre et distribuant aux fillettes timides les jouets qu’elles n’osaient pas décrocher. Les parents souriaient autour du colonel, un peu ébloui par les merveilles de cet arbre, qui touchait le plafond et comptait autant de lampions que de brindilles vertes.

— Vous les aimez les petits mâtins, vous autres Alsaciens ? dit-il, pour dire quelque chose de gracieux.

Le gros négociant souriait, un peu embarrassé.

— Oh ! oui… mais ce n’est pas pour mes enfants à moi que j’ai donné la fête, voyez-vous.

— Vos enfants ? interrompit le colonel ahuri… (il y avait bien vingt-cinq bébés dans la salle), vos enfants ? Quelle nichée !