Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/224

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Mary s’habilla avec l’aide du couturier parisien qui avait créé un chef-d’œuvre. La robe, relevée à la grecque sur le côté, laissait voir un maillot de soie violet sombre broche de camées d’or ; le cothurne, en lacet d’argent, rejoignait les camées tandis que les pans de la jupe très bouffants et très longs retombaient en arrière dégageant la hanche un peu indécise de l’adolescente. La cuirasse serrait exactement son buste frêle, grossissant ce qu’elle avait de trop frêle et le cou sortait nu d’une torsade de faux rubis comme d’une cuvette de sang.

Les splendides cheveux de Mary, dénoués sous le casque mignon, fouettaient les épaules de leurs mèches rebelles, se mêlant aux plis de la robe de soie et allant presque au bas de sa traîne de cour. Quand Mary parut dans le cirque elle fut accueillie par des bravos frénétiques. Elle donnait la main à son père ; tous les deux descendaient de cheval et allaient saluer le sous-préfet. Mary reçut du galant fonctionnaire un énorme bouquet de violettes qu’elle ficha au bout de sa lance avec un petit rire si crâne que l’on n’en revenait pas. Où cette enfant de douze ans avait-elle pu apprendre la fierté de ses allures ? Elle semblait née pour jouer ce rôle de jolie cruelle avec ses yeux rapprochés comme ceux des félins, sa lèvre dédaigneuse et ses dents pointues férocement blanches.

Au centre de l’arène on avait dressé un fort en miniature. Sur un rocher de mousse étoilé de fleurs, s’étageaient des banderoles roses tenues par les