Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/239

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d’une jambe que de se faire une maîtresse et répondait en ricanant, quand on lui indiquait une jolie femme sur un trottoir : « Croyez-vous qu’elle ait eu quelque maladie honteuse ? Vous ne le croyez pas ? Eh bien ! ou elle en a une ou elle en aura deux ! Cela est à peu près certain. »

Le docteur Barbe plaisantait parce qu’il ne craignait pas le nuage de sang qui, montant aux yeux, les trouble et transforme un laideron en beauté idéale. Il ignorait donc, sachant tout ce qu’on peut savoir des choses sérieuses, la douceur des parties fines, et il avait, durant sa carrière d’accoucheur célèbre, tant palpé, tant retourné, tant respiré de belles créatures répugnantes, qu’il haussait les épaules dès qu’on vantait devant lui ce fameux sexe faible.

Ainsi son frère avait eu grand tort de se marier. Maintenant qu’il reposait sur un lointain champ de bataille, pourquoi sa fille, pourquoi ce morceau de sa personne, errait-il autour de son cabinet ? Ce morceau vivant, ni bon à disséquer, ni propre à se conserver en un bocal d’alcool ! La reproduction, dont il parlait publiquement trois fois par semaine, était une merveille très attachante en ses développements, mais pas quand elle vous jetait en travers de votre existence et de votre corridor une jeune fille nattant ses cheveux ou mangeant des cerises ! Il avait divisé la maison de la rue Notre-Dame-des-Champs en deux camps : Mary aux mansardes avec son institutrice, et lui au premier avec sa vieille