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Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/242

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penser aux chevaux, l’unique traîneur du coupé de M. Célestin était un demi-sang brun, maussade, qu’on n’avait jamais apprivoisé et qui ruait quand la jeune fille entrait dans l’écurie. Le valet de chambre, cocher à ses heures, n’aimait pas ses visites, il le laissait bien voir en ôtant la clef.

Mary, lorsqu’elle avait longuement joui de la perspective de toutes ces étiquettes rangées sur quatre lignes, remontait chez elle, puis se plongeait dans la lecture. Ceci était une compensation, elle n’avait plus besoin de se raconter des histoires, on lui permettait d’ouvrir la bibliothèque des voyageurs illustres, et pourvu qu’elle ne détériorât point les volumes, elle avait le droit de dévorer les récits extraordinaires de ceux qui reviennent du pôle Nord en rapportant la boussole ou le compas rouillé du voyageur précédent.

À ce régime, Mary prit des maladies de langueur, elle passa par toutes les fièvres de croissance, et, un matin, elle se réveilla nubile, ayant quinze ans révolus, bonne à marier, revêtue de la pourpre mystérieuse de la femme. Son oncle, instruit de cet événement, songea tout de suite à l’excellente occasion qu’il pourrait avoir de s’en débarrasser. Jacquiat, le fiancé du 8e hussards, était bravement mort, comme son colonel, l’idylle commencée n’avait pas eu de suite ; il fallait chercher un prétendu sans pantalons rouges. Un savant ? Ils étaient tous assez âgés, aimant leur tranquillité. Parmi ses élèves ? Ils étaient trop jeunes, avec des situations mal assises.