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Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/280

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binet et aperçut les trois étudiants qui inventoriaient ses instruments. Il n’y tint plus.

— Messieurs, dit-il prenant son accent de professeur, vous êtes libres… j’ai besoin d’être seul.

— Qu’est-ce qu’il a donc ? interrogea Paul Richard, tremblant de tous ses membres.

— Il a que le besoin de ronfler le lancine, parbleu ! risqua Félix de Talm, et Maurice Donbaud affirma que ce serait une vraie ganache avant deux ans.

En traversant le salon, Paul Richard mit le pied sur la traîne de la robe de soie verte.

— Grand maladroit, fais donc attention ! murmura le baron de Caumont, puis il le présenta à sa fiancée.

— Mademoiselle Mary, permettez-moi de vous nommer ce coupable. C’est un assez mauvais carabin que je protège parce que son père fut jadis mon garde-chasse, du temps où je possédais des bois. Votre oncle en tirera le parti qu’il pourra. Voyons, tiens-toi mieux que ça, Paul. As-tu fini de regarder tes pieds ? Ce n’est pas la peine quand on les met sur la jupe des dames : Monsieur Paul Richard.

Le jeune homme salua gauchement ; une vive rougeur envahissait sa peau de blond, toute tendre encore sur le cou et dans les cheveux taillés en brosse ; il avait un œil gris foncé, large ouvert comme par une stupeur perpétuelle, une jolie bouche meublée de dents très saines, le menton d’un homme entêté. Des mains qu’on devinait calleuses malgré le gant blanc, la carrure d’un ouvrier.