Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/302

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papiers, indiquant qu’il prendrait congé bientôt afin de lui céder le cabinet où elle était la maîtresse comme partout, dans l’hôtel.

— Voilà, Madame la baronne : je suis un orphelin sans père connu, répondit-il tristement ; on appelait ma mère — une paysanne — la Richardière, par ironie, comme on aurait dit la Pauvresse, elle avait une petite laiterie et elle vendait son lait de porte en porte, à Fontainebleau. Lorsque Monsieur votre mari s’est occupé de moi, de Richardière j’ai fait Richard, pour me présenter dans le monde.

— Mon mari s’est occupé de vous ? à quelle époque ? fit-elle encore, l’examinant de la tête aux pieds.

— J’avais dix ans ; je vagabondais dans les rues des villages, montrant des rats blancs que j’avais apprivoisés. Un jour, le curé de Fontainebleau me fit venir chez lui ; depuis la mort de ma mère, il me donnait toujours des habits et un peu de monnaie. Le prêtre, ce jour-là, me remit une lettre de recommandation pour un monsieur demeurant à la Caillotte, route de Paris. Je trouvai votre mari, il lut la lettre, je crois qu’il n’était pas fort content de ce qu’elle contenait, car il la déchira en petits morceaux. Puis, le lendemain, après un excellent déjeuner, nous partîmes tous les deux pour un collège où il me fit admettre… (Paul s’interrompit brusquement.) Madame, dit-il avec une vivacité boudeuse, je comprends bien ce que vous ne me demandez pas, moi et vous auriez grand tort de suspecter. M. le baron.