Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/309

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chasser de chez votre oncle, et alors, en me poussant à dire une grosse bêtise…

Il s’interrompit, faisant un geste de colère.

— Non !… je ne dirai rien du tout ! Vous ne saurez rien ! Le jour de votre mariage j’ai pleuré là-haut, dans ma chambre et puis je me suis déclaré que je me casserais la tête dès que je sentirais que je souffrirais trop. Le mal vient de la soirée des fiançailles, je vous assure ! Et moi je ne m’en doutais pas quand je pleurais… Imbécile que j’étais ! Est-ce que ça s’arrache, ces épines-là, et vous en aviez tant sur votre robe verte ! Aujourd’hui, quand vous êtes entrée, j’ai eu l’explication… parce que le petit bouquet de votre corsage a glissé dans mon livre. Je l’ai pris, vous étiez partie sans le ramasser, j’avais le droit… et je l’ai mangé de caresses. Regardez-le ! aurez-vous la méchanceté de me le refuser ?

Il le lui montra écrasé sous sa veste de coutil.

— Paul ! dit-elle avec un rire malicieux, je croyais que vous ne vouliez rien dire ?

— Faut-il que je m’en aille ? demanda-t-il. Et une larme brûlante coula de son œil assombri.

— Non !… qui vous a dit de partir ?

— Madame, vous me tuez !

Il était secoué par des frissons de fièvre. Elle l’excusait, elle, la femme du bienfaiteur, la femme de celui qui, généreux comme un père, l’avait sorti du ruisseau pour en faire un étudiant en médecine, plus tard un homme honorable reçu chez les gens riches et gagnant sa vie ! Peut-être bien qu’il eût mieux