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Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/317

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— Je suis le véritable amour, celui qui ne veut pas finir !

Et elle passait sur sa bouche ardente l’extrémité de ses ongles rosés, jouant le long de cette chair vive comme sur un clavier, montant et descendant la gamme du plaisir sans aboutir à l’accord.

« Je crois que je vais mourir ! » songeait le jeune homme en essayant de fuir la délicate torture ; mais elle rapprochait sa tête de son corsage un peu ouvert d’où sortait un parfum bizarre de fleurs chauffées, un parfum de résédas.

Paul sauta hors de la voiture quand ils furent arrivés au plus profond des taillis.

— Je préfère marcher, dit-il, aspirant l’air et chancelant comme un blessé. Tu n’as pas pitié de mes vingt ans, toi, tu ne sais pas que j’étouffe. Faut-il t’aimer pour ne pas avoir l’envie d’abuser de mes droits ? Et tu me répètes, je t’aime ? Est-ce possible, Mary ?

Elle se promena à côté de lui toute joyeuse, en écolière, le tenant par un doigt et balançant leurs bras. Elle lui confiait ses projets pour l’hiver. Elle laisserait son mari libre d’aller au Cercle ou dans le monde, et eux ils iraient courir des coins de ce Paris qu’elle voulait connaître, du Paris des étudiants et des filles. Ce serait bien drôle, ce ménage d’amoureux innocents.

— Ton mari te possède ! répondait Paul frémissant d’un désespoir qui le rendait presque imbécile ; moi, je n’ai rien eu, je n’aurai jamais rien, cruelle !