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Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/383

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tous ses membres, et pourtant une résolution solennelle se lisait sur sa figure bouleversée.

— Mary, dit-il à voix basse, donnez-moi ce lait, je meurs de soif et mon père n’en a pas besoin !

Elle tressaillit : il finissait donc par comprendre.

— Tu es fou ! ton père ne dort pas ! Et elle mit impérieusement son index sur sa bouche.

— Ce lait ! accentua plus fort l’étudiant, je le veux !

— Pauvre ami ! pas de drame, je n’ai guère le temps de t’écouter.

Elle s’avança sur le seuil. Le baron entendit du bruit.

— Mignonne ! chevrota-t-il, ne t’éloigne pas, je me meurs sans toi !

— Tout de suite, Louis, c’est le médecin qui arrive, tu es beaucoup mieux ! répondit-elle.

Paul Richard s’empara de la tasse et voulut la porter à ses lèvres. Alors, elle la lui arracha et la lança par la croisée ouverte.

— Je m’en doutais ! dit l’étudiant qui, chancelant, se retenait à un fauteuil pour ne pas tomber.

— Va dans notre nid, fit-elle avec un sourire charmeur, je t’expliquerai. Ce poison, ce n’était que de la cantharide… Depuis six mois je lui en donne tous les soirs un peu… mais… tu n’en as pas besoin, toi, mon cher amour ! Je t’assure qu’il a bien la mort qu’il mérite !

Paul rampa sur les genoux jusqu’au lit de l’agonisant : là, il baisa sa main exsangue qui pendait.