Aller au contenu

Page:Rachilde - Monsieur Venus, Brossier, 1889.djvu/247

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
221
monsieur vénus

Et, avec une vivacité de pensionnaire qui vient de lancer une malice, Jacques s’enveloppa de ses draps ; un flot de dentelles retomba sur son front et ne laissa plus entrevoir que la rondeur de son épaule, qui semblait être, ainsi voilée, l’épaule large d’une femme du peuple, admise par hasard dans le lit d’un riche viveur.

— Vous êtes bien cruelle, fit Raoule, écartant le rideau.

— Mais non, dit Jacques, ne pensant pas qu’elle commençait déjà le jeu. Non, non, je ne suis pas cruel, je te dis que je veux m’amuser, là… J’ai de la gaieté plein le cœur, je me sens tout ivre, tout aimant, tout plein de désirs fous. Je veux user de ma royauté, je veux te faire crier de rage et remordre mes plaies comme lorsque tu me déchirais par jalousie. Je veux être féroce à ma manière, moi aussi.

— N’y a-t-il pas assez de nuits que j’attends et demande aux songes les voluptés que tu me refuses ? continua Raoule debout et le couvant de ce regard sombre, dont la puissance avait doté l’humanité d’un monstre de plus.