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Page:Rachilde - Monsieur Venus, Brossier, 1889.djvu/32

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monsieur vénus

d’animal poignent toujours d’une manière atroce. Sa bouche avait le ferme contour des bouches saines que la fumée, en les saturant de son parfum viril, n’a pas encore flétries. Par instant, ses dents s’y montraient si blanches à côté de ses lèvres si pourpres qu’on se demandait pourquoi ces gouttes de lait ne séchaient point entre ces deux tisons. Le menton, à fossette, d’une chair unie et enfantine, était adorable. Le cou avait un petit pli, le pli du nouveau-né qui engraisse. La main assez large, la voix boudeuse et les cheveux plantés drus étaient en lui les seuls indices révélateurs du sexe.

Raoule oubliait sa commande ; une torpeur singulière s’emparait d’elle, engourdissant jusqu’à ses paroles.

Cependant elle se trouvait mieux, les pommes avec leurs jets de vapeur chaude ne l’incommodaient plus ; et, de ces fleurs éparses dans les assiettes sales, il lui semblait même se dégager une certaine poésie.

L’accent ému, elle reprit :

— Voici, monsieur, il s’agit d’un bal costumé et j’ai pour habitude de porter des garnitures spécialement dessinées pour moi.