Aller au contenu

Page:Ramayana trad Hippolyte Fauche vol1.djvu/179

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

la nuit dans le fleuve solitaire : qui est cet homme, dont le bras m’a blessé d’une flèche ! À qui donc ai-je fait ici une offense ? Cette flèche va pénétrer, à travers le cœur expiré de son fils, dans le sein même d’un anachorète vieux, aveugle, infortuné, qui vit d’aliments sauvages au milieu de ce bois ! Cette fin malheureuse de ma vie, je la déplore avec moins d’amertume que je ne plains le sort de mon père et de ma mère, ces deux vieillards aveugles. Ce couple d’aveugles, chargé d’ans et nourri longtemps par moi, comment vivra-t-il après mon trépas, ce couple misérable et sans appui ? Qui est l’homme au cœur méchant, de qui la flèche nous a frappés tous les trois, eux et moi, d’un même coup, infortunés, qui vivions innocemment ici de racines, de fruits et d’herbes ? »

« Il dit ; et moi, à ces lamentables paroles, l’âme troublée et tremblant de la crainte que m’inspirait cette faute, je laissai échapper les armes que je tenais à la main. Je me précipitai vers lui et je vis, tombé dans l’eau, frappé au cœur, un jeune infortuné, portant la peau d’antilope et le djatâ des anachorètes. Lui, profondément blessé dans une articulation, il fixa les yeux sur moi, non moins infortuné, et me dit ces mots, reine, comme s’il eût voulu me consumer par le feu de sa rayonnante sainteté : « Quelle offense ai-je commise envers toi, kshatrya, moi, solitaire, habitant des bois, pour mériter que tu me frappasses d’une flèche, quand je voulais prendre ici de l’eau pour mon père ? Ces vieux auteurs de mes jours, sans appui dans la forêt déserte, ils attendent maintenant, ces deux pauvres aveugles, dans l’espérance de mon retour. Tu as tué par ce trait seul et du même coup trois personnes à la fois, mon père, ma mère et moi : pour quelle raison ? n’ayant jamais reçu aucune offense de nous ! Sans doute que ni la