Page:Ramuz - Aline, 1905.djvu/137

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Il vint de grandes pluies. Le temps était ainsi cette année-là. L’averse tombait comme des ficelles tendues ; et le vent, pareil à une main, sautait de l’une à l’autre en les courbant ; puis on ne voyait plus rien qu’une sorte de dentelle grise qui se soulevait, découvrant un coin de bois noir et triste au fond de la prairie. Et les arbres grinçaient comme un gémissement.

Parfois Henriette, sa jupe relevée par-dessus la tête, courait mettre une seille sous la gouttière. Aline pensait : « Ah ! oui, c’est maman qui porte la seille. » Et Henriette se secouait dans la cuisine, en disant : « C’est plus un jardin, c’est un lac ! »

Alors, durant la nuit, la petite maison repliait son toit comme des ailes, se faisant petite sous le ciel ; les nuages glissaient sur la lune ; elle paraissait un instant et semblait fuir. Et Aline voyait sa