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Page:Ramuz - La beauté sur la terre, 1927.djvu/117

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Émilie n’a rien répondu. Elle redescend l’escalier. Et elle va ; mais où aller ? On n’existe que là où il est ; rien n’existe où il n’est pas.

Elle essaie encore de pousser jusqu’au café Milliquet où elle se dit sans y croire qu’elle le trouvera peut-être ; en effet, il n’y était pas.

Quelques personnes seulement sont assises sur la terrasse ; dans le jeu de quilles, il y a deux ou trois vieux, c’est tout, avec leurs pipes.

Deux ou trois vieux avec leur pipe et un morceau de craie, et la planche noire clouée dans un tronc, et rien, et le vide partout ; — tandis qu’on entend les quilles, en dégringolant les unes sur les autres, faire un bruit par moment comme quand on éclate de rire et ça vous fait mal dans le cœur.

Lui se tenait, pendant ce temps, dans le haut de la falaise, s’étant glissé là loin de tout chemin.

Juste au-dessous de lui sur la grève, il y avait la maison de Rouge ; elle était à présent de trois couleurs. La partie du toit nouvellement ajoutée était rouge clair ; la partie ancienne de ce même toit montrait des tuiles déjà brunies par les averses et le soleil ; pour finir, venait la remise avec sa couverture en carton bitumé.

La maison de Rouge était de trois couleurs par son toit, mais les murs, ou du moins ce qu’on en pouvait voir, étaient partout du même beau jaune couleur de beurre d’herbe (quand les