Aller au contenu

Page:Ramuz - La beauté sur la terre, 1927.djvu/209

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— La musique dit que non.

Ce sera seulement plus loin, beaucoup plus loin, comme dit la musique, qui va aussi plus loin et va toujours plus loin en une ligne non finie :

— Et alors, a-t-il dit, il faut s’en aller… Encore ce dimanche qui vient, ce sera pour le suivant…

Il joue un air de marche, avec une fanfare comme pour les soldats sur les routes :

— Vous et moi… puisqu’on ne peut pas… on ne peut pas rester ici… Et maintenant écoutez bien… C’est Décosterd…

Il ne sait pas prononcer le nom, il s’y reprend à deux ou trois fois :

— Oui, Décosterd… Il m’a tout expliqué quand il me raccompagne le soir, parce qu’ils ont peur pour moi… C’est qu’ils ont peur pour vous également, ils ont peur de Rouge pour vous…

Ses doigts sont allés sur les touches.

— Alors ils ne veulent pas que vous restiez chez Rouge, parce que les gendarmes viendraient vous y chercher. Et alors ils veulent vous faire partir, seulement ils veulent vous garder.

Pendant que ses doigts vont toujours :

— Ils ne veulent pas vous faire partir pour vous, ils veulent vous faire partir pour eux…

La musique rit de nouveau et là-haut maintenant il y a deux oiseaux, puis trois et quatre oiseaux trompés, bien que ce ne soit plus la saison :