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Page:Ramuz - La beauté sur la terre, 1927.djvu/231

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dit : « Parce qu’il faudrait qu’on se décide… Voulez-vous retourner chez Milliquet ?… » « Ah ! vous ne voulez pas ? disait-on. Seulement, si vous ne retournez pas chez lui, c’est l’État qui va se charger de vous… il vous placera. Il vous fera chercher par ses gendarmes… Vous n’avez pas vu ceux qui sont venus il y a un moment. » Elle ne les avait pas vus. « Ah ! vous ne les avez pas vus, eh bien, moi, je les ai vus… »

Il reprend :

— Ça vous dit quelque chose ?

Après quoi :

— Juliette, venez s’il vous plaît.

Il se tient des deux mains à la table, ayant ce grand besoin de se lever qui lui est venu, — pour s’empêcher de se lever :

— Je voudrais vous parler sérieusement, c’est le tout dernier moment, vous savez… C’est une proposition. Juliette, Juliette, Juliette, si tu voulais seulement… on a de l’argent… Juliette !…

Il écoute et rien ne vient, rien ne bouge.

— Juliette, vous êtes là ?

— Oui…

Il se lève de nouveau, il va vers la porte. Tout à coup, il s’arrête, les mains lui pendent, il a levé la main, sa main retombe ; il la met dans sa poche, il met l’autre main dans son autre poche.

Et il s’est tenu là un instant encore, puis commence à tourner en rond.

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