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Page:Ramuz - La beauté sur la terre, 1927.djvu/46

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c’est-à-dire du côté d’où les petites notes venaient. Et, en effet, les revoilà, les revoilà plus fortes, plus marquées, dans la nuit fraîche, et plus nombreuses : tout un air de danse bougeant autour d’elle, qui même est entré dans le corridor et va jusqu’à la salle à boire au moment où elle ouvre la porte de la maison…

— Laisse-lui la liberté, disait-on dans la salle à boire. Qu’est-ce que tu veux la faire travailler ? elle n’est pas faite pour ça. Laisse-lui la liberté, sans quoi tu risques de l’éteindre…

Pendant que l’accordéon vient rôder un moment autour des deux hommes, et il tourne un moment sous les abat-jour de tôle émaillée :

— C’est comme les ailes des papillons, toutes pleines de belles couleurs : si tu les touches, elles deviennent grises… Laisse-la courir… Quand tu ne sauras pas qu’en faire, tu n’auras qu’à me l’envoyer.

Mais la porte de la maison s’était refermée ; la porte s’était refermée sans bruit. Elle, elle est maintenant de l’autre côté de la porte, c’est-à-dire du bon côté. Elle a eu toute la musique pour elle. Il lui a suffi de la remonter, comme elle aurait fait d’un cours d’eau. Dans le bout du jeu de quilles, une sorte de passage s’ouvrait entre deux murs, derrière des remises. Elle était entrée dans le passage ; elle s’arrête. Elle lève la tête, la tournant à droite et à gauche. C’était à droite. Et le mur était plus haut qu’elle, mais alors on a commencé à voir qui elle était, parce qu’elle n’a pas été empêchée. Un char à échelles