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Page:Ramuz - La beauté sur la terre, 1927.djvu/79

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le seul désagrément des moucherons, des papillons de nuit, et des phalènes, sans compter les moustiques, mais ce n’est guère que plus tard dans la saison qu’ils deviennent gênants). Il y avait, ce soir-là, beaucoup de monde sur la terrasse : Alexis le dragon entre autres et quelques-uns de ses amis ; on y était comme dans une boîte aux parois de verre, un verre d’un bleu sombre, on y était comme derrière des panneaux de verre à travers lesquels le lac et le ciel éclairaient doucement.

Tout à coup, il a semblé que les parois de la boîte faisaient explosion avec une grande lueur. Au lieu des parois de verre bleu, c’étaient des panneaux de nuit pas transparents qui étaient retombés autour de vous, cachant le lac, le ciel et la montagne, comme si on était maintenant à l’intérieur d’une maison. Les lampes électriques venaient de s’allumer. On a été comme dans une chambre sous les lampes, ne sachant plus ce qui se passait au dehors, sauf quand une petite vague venait avec une espèce de soupir : han ! comme quand on fend un tronc ou comme quand l’ouvrier boulanger fait son pain ; comme quand on abat la hache sur le coin de fer, ou on lève des deux bras au-dessus de sa tête la boule de pâte.

Rien que le lac par moment, à part quoi le monde extérieur était tout entier disparu. Celui d’ici alors prenait toute l’importance.

Ce petit monde carré avec les tables, trois murs de nuit ; et à cause du changement d’échelle, il semble avoir énormé-