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Page:Ramuz - La beauté sur la terre, 1927.djvu/90

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— Oh ! ça…

— Non, je te dis, il ne l’a pas touché.

— Parce qu’on ne l’a pas laissé faire. Heureusement qu’Alexis était là…

Elle écoute là-haut, dans sa chambre. Plus rien. Il y avait seulement ces voix sur la terrasse.

Elle écoute de nouveau ; il y avait aussi, à l’intérieur de la maison, cette autre voix, toujours la même, et monotone, sans accent, continuelle, intarissable, comme quand on a tourné un robinet :

— Eh bien, à présent, tu es content, ah ! tu as bien réussi, ah ! tu peux te féliciter. Imbécile ! tu as ce que tu cherchais, voilà qu’on s’assassine chez toi, ça va te faire une bonne réputation… Ah ! tu avais bien de quoi faire le fier quand tu me disais : « Cent francs aujourd’hui, » et puis tu me disais : « Cent-vingt francs. » Ah ! imbécile, parce que demain ce sera zéro franc et après-demain zéro franc, si ça continue comme ça et si tout continue à venir en bas par ici ; ah ! tu te trouves bien d’avoir fait à ta tête, tu es content… Cette traînée, cette fille des rues, cette on ne sait pas quoi, cette on n’ose pas dire…

Et on devait fuir devant la voix, dans l’escalier, mais la voix suivait à mesure.

Derrière la fenêtre, elle écoute toujours.

— … Oh ! il n’y a rien à craindre, disait-on sur la terrasse, le grand Alexis le surveille. Ils sont trois ou quatre