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DANS LA MONTAGNE

les pierres ont recommencé à rouler et elles roulaient à la gauche de Joseph, tandis qu’il aurait voulu s’en aller et il n’osait pas ; il ne voulait pas s’en aller et en même temps il voulait ; — pendant que les pierres roulaient de nouveau.

Il regarde si ce ne serait pas quelque chamois, quelque bête sauvage, (car il y a des marmottes, il y a même des renards à ces hauteurs, parfois il y a le lièvre des neiges qui est blanc), — un reste de vie qui ferait du bien, tellement tout est mort ici ; il regarde de la tête sans remuer le corps, tournant seulement la tête sans se déplacer ; c’est alors qu’il a vu un homme, si c’est bien un homme, qui bouge là-haut dans les pierriers, un homme couleur de pierre qui a été caché derrière un bloc, puis est venu sur le côté du bloc, se dédoublant de lui, tandis que des cailloux éclatés, comme ceux que les cantonniers cassent à coups de masse, viennent en bondissant par petites troupes du côté de Joseph.

Une personne avec des habits, un homme, il semble bien, mais un homme couleur de pierre, un homme pareil à une grosse pierre qui viendrait ; alors Joseph regarde mieux, regarde plus fort, tandis qu’il a envie de se