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LA GRANDE PEUR

elle pour la dernière fois dans le gazon une flaque blanche, mais elle s’effaçait aussi. Barthélemy s’était alors redressé, puis avait été chercher son papier sous sa chemise. Sa courte barbe grise se continuait le long de son cou et aussi bas qu’on pouvait voir, comme quand il y a du lierre contre un mur. Il était carré d’épaules, quoique maigre, avec une forte charpente ; son gros pantalon sans couleur tombait en faisant des plis sur ses souliers couverts de bouse sèche. Il a ouvert lentement la bouche, une fois, une fois encore, puis une troisième fois.

C’est sous ce ciel jaune, ce ciel bas et jaune, parmi les mouches qui se prennent dans sa barbe : les gros taons, les mouches bleues et vertes, qu’on entend faire un bruit de trompette en passant ; et Barthélemy les chasse continuellement de la main, mais elles reviennent continuellement. Cependant il demeurait là ; c’est que lui était à l’abri. « Il ne me peut quand même rien, à moi, » pensait-il, ce qui l’amusait, se tenant immobile comme pour Lui bien montrer qu’il n’avait pas peur de Lui, l’Autre, le Méchant, vous savez. Il ne voyait pas que la ficelle du petit sac s’était usée autour de son cou. Il faisait exprès d’être là, il s’est encore tourné