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DANS LA MONTAGNE

Romain ne se remit en route que vers les six heures ; pourtant, peut-être que s’il avait eu sa tête à lui, rien ne serait arrivé et il aurait pu encore à la rigueur être sorti des mauvais passages avant que la nuit fût venue ; — mais justement il n’avait plus sa tête à lui.

À peine était-il arrivé dans la forêt que le souvenir de sa chasse inutile du matin lui était revenu dans ses fumées, l’humiliant ; il avait de nouveau attaché le mulet à un tronc, lui disant, comme l’autre fois : « Tu n’as qu’à attendre ; » puis le voilà qui va reprendre son fusil, bien qu’on n’y vît plus à vingt pas…

On s’explique du moins la chose de cette façon-là, car il ne reparut au village qu’un peu avant minuit, et on n’a jamais pu savoir exactement ce qui s’était passé. Mais, vers minuit, on a appelé sous les fenêtres du Président. Du premier coup, le Président fut réveillé à côté de sa femme. C’est Romain qui appelle le Président sous les fenêtres du Président : « Hé ! là-haut, » de toutes ses forces, parce que le vin ne devait pas l’avoir entièrement quitté encore et le vin ne connaît pas les ménagements.

— Qu’est-ce qu’il y a ?